Ne vous fiez pas aux apparences. La Normandie, du Mont Saint Michel à Saint Vaast la Hougue,Tatihou et Domfront, n’abrite sans doute pas que des histoires paisibles et, sous ses airs tranquilles, Nadine Mousselet, l’auteure, notamment de « Scalpées dans la baie », « Au fil du sang », « Les disparus de Tatihou » et « Les suppliciés de Domfront », excelle à raconter avec force détails, celles dont la violence croustillante et le sordide vous laisseront au palais un délicieux arrière-goût de pénitence. Ouvrir l’un des 23 ouvrages estampillés « thrillers » de la créatrice de « Laura Claes », c’est assurément prendre des risques : celui, pour commencer, de ne pas dormir ; celui aussi d’emprunter désormais certains chemins creux du bocage, l’esprit inquiet.
La Chaloupe - Dans quelles circonstances vous êtes-vous mise à écrire ?
NM- J’avais une grand-mère qui toute sa vie a tenu un journal dans un cahier d’écolière. A la fin de sa vie, elle m’a demandé d’en faire un livre. Cela a donné « Manou », qui raconte l’histoire vraie de ma grand-mère. J’avais d’abord écrit ce livre pour faire plaisir à ma grand-mère. C’est cette première expérience de l’écriture qui m’a mise en selle comme écrivain.
Pourquoi le choix du Policier ?
-J’aime les romans policiers. J’en ai beaucoup lu. J’ai aussi étudié les livres de John Douglas*.J’ai commencé par écrire des nouvelles que j’envoyais à des titres de la Presse féminine. Il se trouve que ces nouvelles ont été retenues et publiées sur toute l’Europe. Le succès de ces premières créations m’a donné un « boost » pour transformer l’essai. Mon premier policier « Chantage meurtrier à Avranches », était une manière de conjuguer mon goût du policier avec ma passion pour les chevaux. Mon ouvrage suivant, « Scalpées dans la baie », marque l’entrée en scène de Laura Claes et des thrillers.
Dans ma production, les thrillers fonctionnent comme des locomotives. Les romans marchent à leur sortie. Mais je n’écris pas que cela. J’ai aussi écrit des livres jeunesse, « Une aventure de Céline et Cédric », au gré des enfants (les miens) qui poussaient. Petite, j’adorais lire le « club des 5 ». Ces livres fonctionnent comme des policiers destinés aux 9-12 ans. L’une de ces histoires met en scène ma chienne, Laïka, que j’avais beaucoup aimée. L’intégrer dans le récit a été une manière de prolonger son existence.
Quelle est la recette d’un bon Thriller ?
-Ce doit être plus angoissant qu’un policier. Il faut que les gens n‘aient pas envie de lâcher. Il doit mettre en scène des choses plus violentes. C’est la spécialité de Laura Claes que de se confronter à des personnalités de meurtriers pathologiques. J'essaye de faire du thriller réaliste. Ma culture de Base dans ce domaine, ce sont les livres de John Douglas, qui est le père de la police scientifique. J’ai suivi des cours de psychopédagogie dans le cadre de la filière pour devenir institutrice. Mon mari, pilote d’hélicoptère, travaille avec les secouristes et les pompiers et la police ou la gendarmerie. Concernant la médecine légale, j’ai une amie médecin qui a fait son internat dans cette spécialité. J’ai donc accès à des sources fiables.
Qui est Laura Claes ?
-C’est un peu celle que j’aurais voulu être. Laura Claes a un nom d'origine belge. Un clin d'œil à mes origines. Elle pense comme moi. C’est un peu moi. Elle a comme moi un mari pilote d’hélicoptère. J'ai choisi d’en faire une spécialiste des tueurs en série. Quand j’ai créé le personnage de Laura Claes, il n’y avait qu’une seule criminologue en France. Les policiers étaient un peu sceptiques. Petit à petit, ils ont été convaincus.
Comment écrivez-vous ?
-Je n’ai pas de méthode d’écriture. Je réalise un gros travail en amont, avant l’écriture. Je fais des recherches. Pour mon dernier livre, par exemple, « Les suppliciés de Domfront », je ne connaissais pas Domfront. J’ai été reçue à la Mairie et àl’office de tourisme. Je me suis attachée à construire l’histoire à partir de la ville. A Domfront, Je suis partie du château fort.« Les suppliciés de Domfront » ont demandé plusieurs mois de travail. L’écriture en elle-même a été assez rapide. Je rédige en moyenne un chapitre par jour. J’ai une certaine facilité d’écriture. Certains auteurs ont leurs fiches. Ils ont tout construit avant de commencer à écrire. En ce qui me concerne, je ne sais rien, j’ai une idée de la trame générale. Je me laisse porter par le récit. Laura Claes écrit son histoire. J’écris comme si je lisais. Je veux connaître la suite de l’histoire. Il y a des scènes qui sont plus difficiles à écrire que d’autres. Les scènes de torture, par exemple. Ce n’est pas trop dans ma nature profonde de torturer les gens. Je me dis : « je commence à 9 :00… ». C’est une forme de schizophrénie consentie.
N’avez-vous jamais été tentée de travailler sur des Séries policières ?
-Beaucoup de lecteurs m’ont demandé pourquoi je ne faisais pas de séries policières. J’ai fait un ou deux essais pour contacter des producteurs. Je suis un peu réservée sur le sujet, car dès lors qu’un personnage est incarné à l’écran, cela le fige dans une représentation qui peut ne pas être celle que le lecteur s’était imaginée. Laura Claes en particulier pourrait ne pas correspondre à l’idée qu’en ont les lecteurs. D’une certaine manière, ce serait moins riche.
Propos recueillis par Bertrand Fouquoire, Librairie La Chaloupe à Saint-Vaast-La-Hougue
*Ancien agent du FBI, John Douglas fut l’un des premiers « profilers ». Il est l’auteur de plusieurs manuels du « profilage » à l’attention des policiers et est co-auteur de l’ouvrage «Sexual Homicide : Patterns and motives » .